Jeu abstrait

Dénominations

Le terme "jeu abstrait" désigne une catégorie de jeux de société caractérisés par une absence de thématique forte ou de contexte narratif. L’esthétique et les mécaniques y sont généralement détachées de toute représentation réaliste, au profit d’une logique purement stratégique, souvent basée sur des règles simples mais à profondeur tactique élevée.

En anglais, l’expression courante est abstract strategy game.

Catégories

Type de jeu.

Définition

Un jeu abstrait est un type de jeu de société dont les règles, le matériel et les objectifs sont fondés sur une certaine logique et simplicité, une sorte d’épure, sans thématique narrative explicite ni volonté de simulation. Dans ces jeux, l’univers représenté importe peu, voire pas du tout : le système de jeu prévaut sur l’habillage. La plupart des jeux abstraits privilégient très souvent des configurations symétriques, une information complète (sans hasard ni secret) et une interaction directe entre les joueuses.

Historiquement associés à des classiques comme les échecs, le go ou les dames, les jeux abstraits se caractérisent par :

• une lisibilité de l’état du jeu à tout instant ;
• une courbe de progression élevée, avec peu ou pas d’aléa ;
• une volonté d’épurer les mécanismes pour laisser toute la place à la stratégie.

Ingrédients / Causes

Les jeux abstraits sont fondés sur un ensemble de principes mécaniques et conceptuels qui structurent leur fonctionnement :

• Lisibilité épurée : Toutes les joueuses ont accès à l’ensemble des éléments du jeu à tout moment. Il n’y a pas de cartes cachées, de tirages aléatoires ou de rôles secrets. Cela implique une lecture stratégique constante de l’ensemble de la situation de jeu.
• Absence ou contrôle du hasard : La très grande majorité des jeux abstraits excluent toute forme d’aléa. Lorsqu’il y en a (comme une mise en place initiale aléatoire), il est souvent strictement limité et ne modifie pas les conditions de jeu en cours de partie.
• Interaction directe : Chaque action a un impact immédiat ou potentiel sur les autres joueuses. Le positionnement, les blocages et les prises d’initiative sont souvent au cœur des décisions.
• Équilibre initial et symétrie : Les jeux abstraits classiques commencent en général dans des conditions identiques pour chaque joueuse. Cela favorise une grande variété tactique et une équité stratégique.
• Objectifs clairs et règles épurées : Le but du jeu est simple à comprendre (aligner, capturer, bloquer, contrôler), mais souvent difficile à maîtriser. Cette clarté est essentielle à la profondeur du jeu.
• Haute rejouabilité par profondeur plutôt que par variété : Les jeux abstraits misent sur la richesse des possibilités découlant de peu de règles plutôt que sur des contenus variables ou des extensions.

Termes associés et définitions

• Jeu combinatoire abstrait : Sous-genre le plus rigoureux du jeu abstrait, caractérisé par l’absence totale de hasard, d’éléments cachés et par une information parfaite. L’ensemble des coups est théoriquement calculable. Exemples : Go, Échecs, Hex, Tzaar.
• Jeu abstrait géométrique : Jeux basés sur des formes, des alignements, ou des manipulations spatiales simples, souvent dans une optique d’empilement ou de déplacement. Exemples : Blokus, Quarto, Pylos, YINSH, Patchwork, Indian Summer.
• Jeu abstrait de connexion : Jeux où l’objectif consiste à relier deux côtés d’un plateau, créer un chemin continu ou bloquer l’adversaire. Exemples : Hex, TwixT, Trax.
• Jeu abstrait de capture ou de contrôle : Jeux centrés sur la prise de pièces adverses, le blocage ou le contrôle d’espaces stratégiques. Exemples : Dames, Hive, Abalone.
• Jeu abstrait à pouvoir variable : Jeux récents introduisant une asymétrie légère ou modérée entre les joueuses, tout en conservant l’abstraction mécanique. Exemples : Santorini, Onitama (avec cartes de mouvements variables d’une partie à l’autre).
• Jeu abstrait à objectif modulaire : Sous-genre où les conditions de victoire ou les éléments de jeu varient d’une partie à l’autre, parfois selon un tirage initial ou une mise en place alternative. Exemples : The Duke, GIPF, Shobu (dans une certaine mesure).

Sélection (subjective) de jeux abstraits

• Go (origines antiques, Chine, -2000 à -200) : jeu d’affrontement d’une grande profondeur stratégique, dans lequel les joueuses cherchent à contrôler un territoire en plaçant des pierres sur un damier. Référence absolue du jeu combinatoire abstrait.
• Échecs (origines médiévales, codifiés vers le XVe siècle) : chaque joueuse contrôle une armée aux mouvements asymétriques, sur un plateau symétrique ; objectif : mater le roi adverse.
• Dames (origines variées, règles modernes dès le XVIIe siècle) : jeu de capture en diagonale par sauts, aux règles simples et à la lecture tactique fine.
• Quarto (Blaise Müller, 1991) : jeu à quatre caractéristiques combinées sur seize pièces, où chaque joueuse choisit la pièce que son adversaire devra poser.
• GIPF (Kris Burm, 1997) : premier jeu du projet GIPF, une série d’abstraits modernes épurés, mettant en valeur la stratégie pure et les enchaînements tactiques.
• Santorini (Gordon Hamilton, 2004 / Roxley, 2016) : jeu de construction et de déplacement, combinant simplicité des règles, mobilité verticale et pouvoirs asymétriques.
• YINSH (Kris Burm, 2003) : un autre jeu du projet GIPF, combinant déplacement, transformation et alignement, avec un mécanisme de sacrifice pour marquer des points.
• Hive (John Yianni, 2001) : jeu sans plateau fixe, où chaque insecte possède une capacité de déplacement unique. Le but : encercler la reine adverse.

Historique

Les jeux abstraits ont une histoire plurimillénaire : ils comptent parmi les plus anciennes formes de jeux connues. Le go (Chine, plus de 2000 ans avant notre ère), les dames (dès l’Antiquité égyptienne, codifiées au XVIIe siècle), ou les échecs (dérivés du chaturanga indien, puis européanisés au Moyen Âge) ont été joués sans interruption sur tous les continents. Leur transmission s’est faite de manière orale ou manuscrite, avant d’être codifiée dans les traités ou les clubs.

La modernité ludique, à partir des années 1970-1980, introduit une approche très différente du jeu de société : les jeux dits modernes misent de plus en plus sur le thème, la mise en scène, et la narration intégrée aux mécaniques. C’est une rupture fondamentale avec les jeux abstraits, qui eux restent généralement dépourvus de tout habillage narratif ou visuel superflu.

Pour autant, les jeux abstraits n’ont jamais disparu. Depuis les années 1990, de nombreux jeux abstraits contemporains ont vu le jour, portés par une recherche d’épure stratégique ou de design minimaliste. La série GIPF de Kris Burm en est un exemple emblématique. D’autres titres modernes comme Blokus, Hive, Onitama, Champ d’honneur, Abalone ou K3 adoptent parfois une esthétique plus attirante ou des composants originaux, sans pour autant renier leur nature abstraite.

Aujourd’hui, les jeux abstraits continuent de coexister avec les jeux de société modernes à thème. Ils séduisent par leur accessibilité matérielle, leur profondeur stratégique, et leur universalité culturelle, tout en se réinventant dans des formats plus contemporains ou hybrides.

Ressources anglophones

• https://boardgamegeek.com/boardgamecategory/1009/abstract-strategy
• https://gomagic.org/abstract-strategy-games/
• https://gambiter.com/tabletop/Abstract_strategy_game.html
• Jouer en ligne à des jeux abstraits https://play.abstractplay.com/

Ressources francophones

• Les Jeux abstraits par LePionfesseur
• https://www.jeux-abstraits.fr/